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Appel à communication - Reconnaître l’érudition. Définition, pratiques et usages.

Publié le 6 février 2018 Mis à jour le 5 septembre 2018

Les projets de communication sont à adresser avant le 9 avril 2018.

Date(s)

le 9 avril 2018

La journée d'étude se déroulera le 6 juin 2018.
Lieu(x)

Bâtiment Max Weber (W)

Université Paris Nanterre


Journée d'étude des doctorant.e.s du CSLF

Reconnaître l’érudition. Définition, pratiques et usages

Journée d’études interdisciplinaire, mercredi 6 juin 2018

Université Paris Nanterre (bâtiment W, amphithéâtre Max Weber)




Les pratiques, usages et représentations de l’érudition font l’objet du séminaire annuel des doctorant.e.s du CSLF (Centre des Sciences des Littératures en Langue Française). Une idée fondatrice du séminaire était de réfléchir aux conditions, aux enjeux et aux conséquences de la catégorisation de certains gestes et de certains savoirs comme « érudits ». Afin d’approfondir et d’enrichir les perspectives explorées au cours de ces séances, cette journée d’études a pour but d'ouvrir les discussions autour de la notion d’érudition dans un esprit interdisciplinaire.

Réfléchir aux pratiques de l’érudition, comprises comme l’établissement minutieux des faits à partir des monuments (souvent écrits) du passé, constitue une démarche épistémologique incontournable pour la discipline historique [Kriegel ; Brizay et Sarrazin]. La littérature, quant à elle, approche surtout la notion d’érudition quand elle s’interroge sur les liens entre savoirs et fiction [Boutet et Ducos ; Méchoulan], qu’il s’agisse des usages du savoir au sein des fictions [Revue des langues romanes, n°115], de la représentation de l’érudition, voire, dans le sillage de l’important article de Michel Foucault à propos de Bouvard et Pécuchet, d’une fictionnalisation de l’érudition comme source de l’imagination narrative [Piégay-Gros]. Mais il semble que la constitution et la reconnaissance de la catégorie d’« érudition », ainsi que les effets propres à cette catégorisation, restent à explorer que ce soit en histoire, en littérature, ou dans les autres composantes des humanités. Comment peut-on reconnaître l’érudition, c’est-à-dire à la fois la définir et l’identifier ? Selon quels critères une pratique, une figure, un discours sont-ils considérés comme « érudits » et par qui sont-ils établis ? En retour, quelles sont les conséquences – dans leurs très diverses dimensions – de cette catégorisation ?

La réflexion pourra s'attacher notamment, mais pas exclusivement, aux axes suivants :

Figuration de l’érudit par et au sein des écrits

Le terme d’« érudit » n’est pas une fonction, ni un titre à caractère officiel ou institutionnel comme pourrait l’être le rang de « docteur ». Pourtant, ce terme peut être utilisé comme une qualité, pour désigner des individus qui se caractérisent d’abord par les connaissances qu’ils maîtrisent et accumulent, mais aussi par celles qu’ils accroissent ou produisent par leurs travaux. Qu’appelle-t-on un érudit et comment les qualités incluses dans cette désignation varient-elles selon les époques et les lieux ? Comment devient-on érudit ? Quel est le rôle de la postérité dans l'établissement de cette dénomination ? On cherchera à comprendre ces processus pour étudier ce qui amène un individu à être qualifié ou à se qualifier d’érudit. La figure de l’érudit pourra être saisie dans la multiplicité de ses avatars, examinée en lien avec des représentations ou dénominations concurrentielles (le clerc, l’honnête homme, le spécialiste, l’intellectuel), entendue dans ses excès (le pédant, le magister dogmatique), ses manques (l’ignorant, l’idiot) ou ses détournements (à travers la parodie, l’humour).

Les lieux de l’érudition

L’écrit apparaît nécessairement comme le medium idoine pour les pratiques d’érudition qui cherchent à s’établir ou se diffuser. Pourtant, est-ce le seul support de l’érudition ? Quels types d’écrits, quels lieux sont privilégiés par l’érudition (le livre, l’encyclopédie, la bibliothèque, la base de données), et pour quels effets de constitution et de réception ? La langue est sans doute le premier lieu que l’érudition investit, mais peut-on pour autant définir une langue érudite ? Si le latin a longtemps été perçu comme la langue du savoir [Waquet], existe-t-il encore aujourd'hui un imaginaire linguistique de l'érudition ? Peut-on circonscrire les caractéristiques d’une « poétique de l’érudition » [Piégay-Gros] qui tienne compte des circonstances de production des écrits mais aussi du statut et de la posture de l’énonciateur ? La langue érudite se réduit-elle à des jargons de spécialistes ?

S’interroger sur les lieux de l’érudition, c’est aussi s’intéresser aux formes concrètes que prennent les connaissances produites par les érudits. On pourra s’intéresser à la matérialité des écrits composés et aux liens entre érudition et édition. Que peut nous apprendre l’histoire du livre des pratiques d’érudition ? Quelles sont les spécificités de l’appareillage éditorial des publications imprimées dites scientifiques, critiques ou diplomatiques ? On pourra analyser la diversité dans le temps et dans l'espace des outils de travail mis en œuvre par des savants lettrés. Par exemple, les dispositifs tels que les notes de bas de page, bibliographies et autres index occupent des fonctions distinctes au fil des siècles.

Aujourd'hui encore, les travaux réalisés par des érudits façonnent les conceptions critiques sur la longue durée et les cadres mis en place par l’historiographie. Le XVIIᵉ siècle par exemple, souvent encore présenté comme le « Grand siècle » dans le milieu scolaire, est toujours tributaire des approches des bibliophiles et des érudits du XIXᵉ siècle qui faisaient de cette période un espace de nostalgie ou de projection [Zékian]. Dans quelle mesure les lectures érudites sont-elles un prisme qui détermine les commentaires et les interprétations des chercheurs, enseignants, lecteurs ?

Érudition : savoir et pouvoir

En quoi la catégorie d’érudition reconfigure-t-elle le savoir ? L’érudition semble en effet destinée à opérer des partages du savoir, afin de mettre en place des valorisations différentielles. Depuis la Renaissance au moins et jusqu’à nos jours, l’érudition creuse des dichotomies : savoir et sagesse, mémoire et entendement, instruction et éducation, savoir et savoir-faire, connaissances et compétences, etc.

Envisagée comme savoir brut ou comme « culture savante », l’érudition peut être une zone de partage et la maîtrise de certains de ses outils peut devenir un élément de distinction, comme la maîtrise des langues anciennes par exemple. Selon une approche socio-politique, quels rapports d’opposition ou de force engage la notion d’érudition, entendue comme une ligne de partage clivante ? Le rapport à sa propre érudition varie-t-il selon le positionnement social ? Est-elle objet de confiscation sociale, stratégie de distinction, instrument d’autorité ? D’un point de vue pragmatique, que devient l’érudition lorsqu’elle est mise au service d’une visée rhétorique, au sein d'un discours social ou politique ?



Cette journée s'adresse à tou.tes. Les participant.e.s sont invité.e.s à s'interroger sur leurs outils et à tester leurs hypothèses au sein d'un dialogue interdisciplinaire.

Chaque communication durera approximativement 20-25 minutes, et sera suivie d'un temps d'échange et de questions. Les propositions d’intervention (200-300 mots), accompagnées d'une courte présentation bio-bibliographique, sont attendues pour le 9 avril 2018 au plus tard, à l'attention du comité scientifique de la journée : reconnaitrelerudition@gmail.com

Bibliographie

Boutet, Dominique et Ducos, Joëlle (dir.), Savoirs et fiction au Moyen Âge et à la Renaissance, Paris, PUPS, 2015
Brizay François et Sarrazin Véronique (dir.), Érudition et culture savante. De l’Antiquité à l’époque moderne, Presses universitaires de Rennes, 2015.
Kriegel, Blandine, Les Historiens et la monarchie, tome II : la défaite de l’érudition, Paris, PUF, 1988.
Foucault, Michel, « La Bibliothèque fantastique », Dits et écrits, I, Paris, Gallimard, « Quarto », 2001 [1964].
Méchoulan, Éric (dir.), Érudition et fiction. Troisième rencontre internationale Paul-Zumthor, Montréal, 13-15 octobre 2011, Paris, Classiques Garnier, 2014.
Piégay-Gros, Nathalie, L’Érudition imaginaire, Genève, Droz, 2009.
Le Moyen Âge des imaginations savantes, Revue des langues romanes, n°115/1, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée.
Waquet, Françoise, Le Latin ou l’Empire d’un signe, XVIᵉ-XXᵉ siècle, Paris, Albin Michel, 1998.
Zékian, Stéphane, L'Invention des classiques : le siècle de Louis XIV existe-t-il ? Paris, CNRS éditions, 2012.

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Mis à jour le 05 septembre 2018