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Appel à communication - "La machine à histoires. Périodisation, formes & usages des écritures romanesques contemporaines"

Publié le 17 juillet 2018 Mis à jour le 20 février 2019

Les projets de communication sont à adresser avant le 20 septembre 2018.

Date(s)

le 20 septembre 2018

Lieu(x)

Université Paris Nanterre

La machine à histoires.
Périodisation, formes & usages des écritures romanesques contemporaines.


Le roman est très contagieux. Vivace, coriace, tout neuf en son vieil âge ; si prodigieux dans ses ressources, si fécond et généreux. Cette machine à histoires est à ressorts inoxydables.

Anne-Marie Garat[1]

Ce colloque a pour ambition de revenir à une notion si vaste qu’il est souvent jugé prudent d’éviter de l’affronter : le romanesque. Il s’agira d’abord de proposer une lecture des pratiques romanesques contemporaines en se défaisant des étiquettes et groupements institués dans la première décennie du « contemporain », pour évaluer ce champ selon une dimension diachronique (peut-on proposer une périodisation des écritures romanesques depuis le seuil accepté des années 1980 ?) et une dimension synchronique (quelles lignes de force peut-on tracer parmi un corpus vaste et hétérogène, sans se satisfaire des effets de famille toujours labiles ?). Par ce prisme, nos réflexions pourront permettre un retour réflexif sur nos pratiques critiques, et une discussion des seuils historiques et des ensembles esthétiques établis. 

 Le schème du « retour » est en effet devenu un lieu commun du discours critique sur le contemporain. À l’opposé du geste de la table rase revendiqué par les avant-gardes, celui-ci reviendrait à des formes qu’elles auraient délaissées[2]. Toutefois, face à cette approche générationnelle, qui situe les auteurs contemporains dans l’héritage paradoxal des avant-gardes entre réticence au roman et élan romanesque, la recherche la plus récente travaille à remettre au jour les liens qui perdurent de part et d’autre de cette borne, pour des filiations et des sillages au long terme.

L’analyse portera sur la singularité des pratiques romanesques contemporaines, en déplaçant les enjeux de la question définitoire (pour une esthétique romanesque immuable et anhistorique) à la question des gestes et des pratiques d’intégration de l’esthétique romanesque, en prenant la mesure des hybridations modernes et contemporaines de cet imaginaire (par d’autres médias, parmi lesquels évidemment, mais pas seulement, le cinéma : chez Tanguy Viel, Céline Minard, Olivia Rosenthal, etc.). Jean-Marie Schaeffer élargit en effet le domaine du romanesque à « toutes les formes de la compétence fictionnelle ». On ouvrira donc la réflexion aux formes et supports non romanesques (au sens générique de roman, cette fois) : romans graphiques, écritures numériques, performances, etc., pour prendre une large mesure de notre objet et éprouver la plasticité inhérente à l’esthétique romanesque sur les formes inédites de ces dernières années.

Si les pratiques romanesques contemporaines sont plurielles et s’inscrivent dans une appartenance scalaire à cette esthétique que Frank Wagner propose d’envisager sous l’angle d’une « relation romanesque », elles mobilisent également un ensemble de gestes, fragmentaires et indiciels, d’intégration du répertoire et de l’imaginaire romanesques à différentes échelles (de la structure de l’intrigue à la référence intertextuelle ponctuelle). Le romanesque informe ainsi une vaste encyclopédie collective qui s’actualise sur la scène de la réception, et gagne ainsi à s’envisager selon une perspective pragmatique. Une réflexion sur la production romanesque du point de vue de l’édition, qui croiserait des approches historique, esthétique et socio-économique, sera également la bienvenue (interrogeant par exemple le répertoire romanesque de Minuit ou de P.O.L, ou l’émergence de maisons d’éditions telles que Verticales, L’Olivier ou Verdier qui accompagnent les tendances romanesques du contemporain).

On invitera également à l’analyse des usages contemporains du romanesque, qui vont parfois à rebours de son axiologie traditionnelle fondée sur le spectaculaire (intrigues défaites, écritures du quotidien, dégonflement du romanesque canonique : de Georges Perec à Leslie Kaplan, Christian Oster, Christine Montalbetti ou Jean-Philippe Toussaint). En outre, certaines écritures renouent par-delà les seuils historiques avec une ambition modélisatrice, voire herméneutique. Face à l’Histoire comme face à l’expérience quotidienne de la vie, le romanesque peut ainsi apparaître comme un lieu de reconstitution du sens ou de l’interrogation critique, voire de la défection des discours (de Sylvie Germain à Antoine Volodine, de Pierre Michon à Mathieu Riboulet, ou encore d’Yves Ravey à Jakuta Alikavazovic).

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Le colloque portera sur les corpus d’expression française. Il se tiendra à l’Université Paris Nanterre les 23, 24 et 25 mai 2019. Les propositions de communication sont à envoyer pour le 20 septembre 2018, à l'adresse colloqueromanesque@gmail.com.

Les réponses du comité scientifique seront envoyées pour le 30 octobre 2018.



[1] Anne-Marie Garat, Dans la main du diable, Arles, Actes Sud, 2006, quatrième de couverture.

[2] Aline Mura-Brunel diagnostique un « retour du romanesque » dans l’œuvre de Christian Oster, Jean-Marie Schaeffer parle d’une « réactivation de la veine romanesque », Wolfgang Asholt et Marc Dambre interrogent un « retour des normes romanesques dans la littérature contemporaine », et Sylvie Loignon évoque « retour de flamme » pour le romanesque chez Jean-Philippe Toussaint (formule reprise ensuite par Frank Wagner au sujet de Jean Échenoz). C’est aussi dans cette perspective qu’Yves Baudelle et Francis Langevin ont consacré en 2006 un colloque au romanesque contemporain.

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 Bibliographie indicative

Wolfgang Asholt, Der französische Roman der achtziger Jahre, Darmstadt, Wiss. Buchges, 1994.
- (dir.), Intertextualität und Subversivität : Studien zur Romanliteratur der achtziger Jahre in Frankreich, Heidelberg, C. Winter, 1994.
- avec Marc Dambre (dir.), Un retour des normes romanesques dans la littérature contemporaine ?, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2011.
Raphaël Baroni, La tension narrative : suspense, curiosité et surprise, Paris, Éditions du Seuil, 2007.
Yves Baudelle et Yves Langevin (dir.), « Le romanesque dans les fictions contemporaines », Temps zéro, n° 8, juillet 2014.
Gilles Declercq et Michel Murat (dir.), Le romanesque, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2004.
Andreas Gelz et Ottmar Ette (dir.), Der französischsprachige Roman heute. Theorie des Romans und Roman der Theorie in Frankreich und der Frankophonie, Tübingen, Stauffenburg, 2002.
Fabien Gris, Images et imaginaires cinématographiques dans le récit français (de la fin des années 1970 à nos jours). Thèse de doctorat, soutenue à l’université Jean Monnet-Saint-Etienne, 2012.
Sylvie Loignon, « Romanesque : le retour de flamme ; ou comment faire l’amour avec Jean-Philippe Toussaint ?, in Aline Mura-Brunel (dir.), Christian Oster et Cie : retour du romanesque, Amsterdam-New York, Rodopi, 2006, p. 25-34.
Aron Kibedi Varga, « Le récit postmoderne », Littérature n° 77, 1990, p. 3-22.
Jochen Mecke, « Le roman nouveau : pour une esthétique du mensonge », in Dominique Viart (dir.), « Les mutations esthétiques du roman contemporain français / Der zeitgenössische französische Roman », Lendemains, études comparées sur la France, n°107-108, 2002), p. 97-116.
Aline Mura-Brunel, Silences du roman : Balzac et le romanesque contemporain, Amsterdam ; New York, Rodopi, 2004.
- (dir.), Christian Oster et Cie : retour du romanesque, Amsterdam-New York, Rodopi, 2006.
Michel Murat, Le romanesque des lettres, Paris, Corti, 2018.
Dominique Rabaté, Le Chaudron fêlé, Paris, Corti, 2006 (troisième partie : « D’un romanesque sans roman ») ; et « Mélancolie du roman », in Dominique Viart, « Mémoires du récit », Ecritures contemporaines 1, Minard, 1998.
Romanesques, Paris, Classiques Garnier (revue semestrielle du laboratoire CERCLL de l’université d’Amiens) : https://www.u-picardie.fr/unites-de-recherche/cercll/axes-de-specialites/roman-romanesque/revue-roman-romanesque-443092.kjsp?RH=1468241771368.
Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, 1999.
- « La catégorie romanesque », dans Gilles Declercq et Michel Murat (dir.), Le romanesque, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2004, p. 291-302.
Anne Sennhauser, Devenirs du romanesque au début du XXIe siècle. Les écritures aventureuses de Jean Echenoz, Jean Rolin et Patrick Deville, thèse de doctorat soutenue le 5 novembre 2014 sous la direction de Marc Dambre.
Dominique Viart (dir.), Les mutations esthétiques du roman contemporain français, Lendemains, études comparées sur la France, n°107-108, 2002.
Frank Wagner, « D’un retour de flamme pour la fiction romanesque », Itinéraires, 2013-1 | 2013. URL : http://journals.openedition.org/itineraires/783 ; DOI : 10.4000/itineraires.783.
- « La relation romanesque », Le roman français vu de l’étranger, Romanesques n°9, 2017, p. 16-33.

Mis à jour le 20 février 2019