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Appel à communication - Colloque : "Les formes nationales du rire. Territoires, frontières et circulations des cultures comiques en Occident"

Publié le 19 mai 2020 Mis à jour le 7 avril 2022
Date(s)

le 1 juin 2020

Le colloque aura lieu les 18 et 19 novembre 2021
Appel à communication 


Colloque : "Les formes nationales du rire. Territoires, frontières et circulations des cultures comiques en Occident"

 

 Présentation

Ce colloque constitue l’aboutissement et le troisième volet du projet « Les formes nationales du rire ». Précédé par deux journées d’études centrées sur la francophonie, respectivement sur les rires belges et québécois (12 février 2021, Université de Namur) et sur les rires suisses romands et africains (27-28 mai 2021, Université de Lausanne), il n’exclut pas d’éventuelles contributions liées aux mêmes aires linguistiques, mais s’intéressera plus largement aux variations diatopiques et aux implications sociopolitiques, géographiques et culturelles des rires en Occident sur la période 1940-2020.

Si le rire a été abondamment étudié à l’aune de ses évolutions historiques et manifestations intermédiales (voir notamment L’Empire du rire moderne (19ème-21ème siècle) du CSLF, Université Paris Nanterre, à paraître), il n’a pas encore fait l’objet d’une ample recherche dans son rapport avec les identités nationales. Or il est évident que la culture du rire doit être abordée dans une optique transnationale, qui prenne en compte l’ensemble des phénomènes de transfert, d’échange et d’hybridation entre les différents espaces où il émerge (qu’il s’agisse de zones géographiques ou de supports matériels de diffusion).

Nous partons des hypothèses suivantes :

Le rire est un paramètre indispensable des identités culturelles, en lien avec le passé et la tradition, qu’il alimente, remet en jeu et solidifie (entre autres par la parodie). Fluidifiant les échanges sociaux, il est un phénomène hautement politique et médiatique, autrement dit patrimonial.
Le rire est fondamental par son effet de soudure communautaire : il crée de la connivence et du lien aussi bien à l’intérieur d’un groupe que par opposition à d’autres groupes ; il peut aussi bien être inclusif qu’exclusif.
Dès lors, jusqu’à quel point le rire est-il un ferment de l’unité nationale ? Une nation se légitime-t-elle sur la base de modèles culturels et stéréotypes renforcés par le rire ?

Nous nous intéresserons à toutes les formes et manifestations du rire, en interrogeant leurs soutènements culturels : qu’est-ce qui distingue et qu’est-ce qui a façonné historiquement l’humour anglais (pince-sans-rire, « tongue-in-cheek »), l’esprit français (mondain, séduisant, provocateur), le grotesque allemand (rire populaire, de caserne, de brasserie)…?

Si la critique a exploré les rapports entre rire et politique (Charaudeau 2015, Dufort et Olivier 2016), ou entre rire et langues (colloque Les Langues de l’humour, 4-5 avril 2019, Université de Bourgogne-Dijon), la question des liens étroits entre rire et imaginaire national a souvent été évincée. Réinvesti positivement par les approches contemporaines, valorisé comme facteur d’émancipation et de subversion, le rire voit-il occultés ses pouvoirs disciplinaires, conservateurs voire réactionnaires ?

Sans omettre l’existence de rires nationalistes concourant à la reconduction des stéréotypes culturels, il s’agira d’examiner comment le rire construit des identités nationales, et comment un imaginaire national influe sur certaines conceptions et pratiques collectives du rire. À l'heure de la mondialisation, est-il encore pertinent de parler d'humours nationaux ? Y a-t-il un colonialisme ou un impérialisme du rire, et comment penser la question des cultures comiques dans un contexte postcolonial ? Les rires nationaux se diluent-ils dans un universalisme comique à l’ère numérique ?

Étudier Les formes nationales du rire n’implique pas seulement d’établir une topographie des cultures comiques, mais d’interroger les effets de frontière et de circulation entre ces dernières, en tenant compte de divers paramètres et approches : géographique, historique, politique, culturelle, médiatique, littéraire, anthropologique, éthique.

Par ailleurs, enquêter sur la construction d’une philosophie et d’une culture topiques du rire ne peut faire l’impasse d’une archéologie des identités nationales. Anderson (Imagined Communities, 1983) montrait la dimension construite voire fictive des communautés nationales, et soulignait la pauvreté philosophique de la notion de nation(alisme) par contraste avec sa puissance politique, sa prétendue ancienneté et universalité. Plus récemment, Thiesse (2019) en a retracé les soubassements institutionnels. Nous supposerons que le rire a joué un rôle clé dans la constitution et la consolidation de ces « communautés imaginées ».

Nous pourrons notamment envisager comment l’humour a permis à des cultures excentrées (donc, pourquoi pas, excentriques) de se distinguer, en marge de l’hégémonie des grandes nations, et de faire valoir d’autres critères d’innovation, d’autonomie et de légitimité artistiques. De même, les rires des communautés infranationales ou des milieux marginalisés s’érigent-ils contre une culture comique nationale plus officielle, plus institutionnelle ? ou au contraire s’en nourrissent-ils, et la nourrissent-ils en retour ?

Dans ses déclinaisons intermédiales, le rire circule par de nombreux canaux, qu’il sera important de considérer ensemble et dans leurs particularités esthétiques. Il mobilise aussi différents publics, induit des connivences et des distinctions de classe. Porter un regard sociologique sur le phénomène permettra de l’éclairer dans sa dimension proprement politique.

 Axes

Seront privilégiées les contributions proposant un large angle de vue et portant sur des corpus amples. Afin de ne pas se cantonner à une description des manifestations du rire en surface des cultures nationales, nous envisageons quatre axes permettant d’investiguer les dynamiques qui sous-tendent ces manifestations :

Les territoires du rire (grandes et petites nations du rire ; rires infranationaux ; modalités et matérialités du rire ; formes et genres privilégiés)
Les circulations du rire (rires transnationaux (par exemple humour juif, rires de l’immigration, colonialismes du rire) ; langues et langages du rire ; internet et la globalisation du rire)
Les frontières du rire (rire et identités ; exclusions et communautarismes ; rire en religion)
Polis et éthique du rire (rire du pouvoir et pouvoir du rire ; rire des minorités ; libertés du rire, rire insurrectionnel)

Mis à jour le 07 avril 2022