Responsables :
Mathilde Bernard et
Florence Tanniou, avec
Guillaume Peureux
« Le séminaire a lancé un nouveau projet collectif autour de la notion d’ « urgence ». Cette réflexion poursuit les travaux de LCR sur l’actualité, qui interrogent toute vision (contemporaine ou rétrospective) de l’écriture comme fixation de l’intemporel, notamment parce que ces représentations conduisent à sous-estimer tout écrit qui afficherait la part du circonstanciel dans sa production. Il s’agit de considérer les formes d’inscription de l’actualité dans des écrits que l’histoire a consacrés comme littéraires aussi bien que dans ceux qu’elle exclut. Au sein de cette interrogation, plusieurs catégories d’urgences sont envisagées - urgence politique, spirituelle, millénariste, économique, circonstancielle, etc -, et il convient de distinguer les différents motifs invoqués pour justifier cette urgence d’écrire : danger, désir, nécessité interne ou demande externe.
On s’interroge sur les modalités suivant lesquelles la littérature s’inscrit dans l’urgence, et reflète cette situation, ou l’invente. Nous nous penchons ainsi, d’une part, sur des faits - les circonstances d’édition, les jeux de concurrence entre éditeurs, la relation entre une édition et les événements qui l’environnent, en somme les faits qui touchent à la matérialité de la production du texte ; et d’autre part, sur la manière dont les écrits témoignent de cette situation d’urgence, la représentent, affichent l’effet qu’elle est censée produire sur eux, en réfléchissant aux enjeux rhétoriques ou esthétiques qui accompagnent cette représentation. On envisage plus particulièrement la part topique de l’urgence dans l’évocation de la genèse du texte, par exemple dans la peinture de la situation de l’écrivain ou dans l’évocation de l’urgence pécuniaire. Notre attention se porte sur son rôle comme instrument de
captatio benevolentiae, opérant suivant plusieurs modalités : revendication d’un certain rapport au vrai, d’une spontanéité lisible dans l’imperfection de la forme, ou encore expression pathétique d’une déploration, d’une indignation, d’une injonction ou d’une prière adressée, directement ou non, au lecteur.
Nous nous interrogeons ainsi sur l’urgence, ou la figuration de l’urgence - qui peut être en décalage avec les conditions réelles de publication -, comme stimulation d’écriture, et stimulation de lecture. Nous observons en particulier des écrits où l’invocation de l’urgence implique une croyance dans l’efficacité de l’écrit, pour influer sur la perception que le public peut avoir d’un événement, voire pour construire cet événement, ou l’effacer. Nous nous intéressons aussi au jugement porté sur les textes qui se présentent comme écrits dans l’urgence.
Ce questionnement est attentif à la spécificité de l’urgence pour les siècles anciens et notre attention se porte sur les mots et expressions qui la désignent, plus ou moins directement. Il s’agit en somme de saisir des indices de l’inscription de ces textes anciens dans leur présent, qu’elle soit réelle ou construite."