La collection est l’une des grandes passions du XIX
e siècle. Elle prend les formes les plus diverses : accumulations sérielles souvent qualifiées de manies (des porcelaines aux timbres-poste) ; collections de livres, d’autographes, d’estampes, à visée plus érudite ; collections sélectives d’objets d’art ; compositions décoratives fondées sur le seul goût personnel. L’essor et la démultiplication des pratiques de la collection manifestent l’évolution du rapport que l’individu entretient avec les objets (la prolifération des artefacts est contrebalancée par la valorisation symbolique d’un petit nombre d’entre eux), et témoignent aussi d’une inscription repensée dans l’histoire, à travers la reconfiguration de ses traces.
Des compilations documentaires établies par les historiens romantiques au symbolisme fin de siècle, l’histoire des genres littéraires permet d’esquisser une véritable poétique de la collection au XIX
e siècle. En relation avec les pratiques connexes de la bibliophilie et de l’archéologie, l’évolution de l’histoire se fonde sur l’élargissement de la notion de « document », jusqu’au « document humain » des écrivains naturalistes. L’étude d’un vaste corpus de romans (Balzac, Champfleury, Flaubert, les Goncourt, Zola, Husysmans) permet par ailleurs de voir comment s’opère la gestion de larges systèmes d’objets : atrophie de l’intrigue au profit de structures sérielles, stylistique descriptive de la liste, dont on esquisse ici une typologie. Enfin, à partir de la révolution du poème en prose, la poésie moderne reflète une esthétique du décoratif où l’attention se déporte du sujet lyrique vers l’espace ornemental qu’il habite : précieuse grotte de l’intimité où rayonne finalement le mot bibelotisé (Baudelaire, Mallarmé, Montesquiou, Rodenbach).